Le mot « nègre » toujours sur les cartes de Google
En quelques clics, on trouve toujours le lac du « Nègre », situé à près de 400 kilomètres au nord-ouest de Montréal. Jusqu'à mardi, le moteur de recherche proposait aussi le lac à « Ti-Nègre », non loin de Shawinigan. Après nos demandes d'entrevue à Google Canada, ce nom a changé pour le lac Honoré-Gélinas sur ses cartes.
Radio-Canada est sensible au choix des mots, surtout lorsque vient le temps de parler des individus, quelle que soit leur couleur de peau, leur orientation sexuelle ou leur religion. Il y a longtemps que nous, à Radio-Canada, n'utilisons plus le mot « nègre » pour désigner des personnes à la peau noire. Cependant, il peut arriver, comme c'est le cas ici, que le sujet de l'article impose son utilisation. Nous l'avons placé entre guillemets pour souligner le fait qu'il s'agit d'un mot banni de notre vocabulaire.
La CTQ avance qu'elle n'a pas le pouvoir légal de contraindre les éditeurs de cartes privées. Certains noms apparaissent effectivement toujours sur Google Maps, nous affirmait lundi la porte-parole de la commission, Chantal Bouchard. Elle ajoute avoir demandé à Google à plusieurs reprises le retrait de ces noms, sans succès. D'autres instances, comme des MRC et des municipalités, ont également demandé à Google de retirer ces noms. Elles n'ont pas réussi.
Malgré la présence de toponymie raciste sur sa plateforme, le géant du web se défend d'être en retard sur les décisions de la commission. Nous sommes en communication avec les autorités locales pour mettre à jour d'autres lieux dont les noms ont été désofficialisés, mais qui n'ont pas encore été renommés, indique par courriel la porte-parole Luiza Staniec. Le monde est en constante évolution et nous faisons de notre mieux pour en tracer un portrait précis.
11 noms bannis
En 25 septembre 2015, la Commission de toponymie du Québec a banni 11 noms de lieux québécois qui comportaient les mots « nigger » ou « nègre » dans la nomenclature officielle. À l'époque, la province était la seule au pays à posséder des noms de lieux publics comprenant ces mots. Depuis, ces noms controversés n'apparaissent plus sur les cartes du gouvernement du Québec et dans la signalisation.
[...] si les mots " nigger " et " nègre " sont d'usage ancien, ils peuvent porter atteinte à la dignité des membres de la communauté noire, pouvait-on lire dans un communiqué de la commission de 2015. En effet, le premier a une connotation fortement injurieuse. Quant au second, il a acquis, au fil du temps, une charge péjorative.
Il y a cinq ans, la commission de toponymie indiquait aussi que les noms de remplacement devaient rappeler la présence de la communauté noire du Québec
, ce qui n'a pas été fait. Le lac Honoré-Gélinas est d'ailleurs le seul qui s'est trouvé une nouvelle identité, en l'honneur d'un bûcheron, draveur et premier président du Club de l'âge d'or de Saint-Jean-des-Piles, lors de sa fondation en 1972.
On doit changer les noms de ces endroits pour honorer des membres importants de la communauté noire, comme Marie-Joseph Angélique, une esclave qui a été accusée à tort d’avoir provoqué l’incendie de Montréal au 18e siècle
, dit la membre du collectif Hoodstock Stéphanie Germain.
Fresque de personnages peinte par Marie-Denise Douyon, en lien avec l'incendie du 10 avril 1734 à Montréal. On y voit notamment Marie-Josèphe dite Angélique, esclave noire ayant été accusée d'allumer l'incendie.
Photo : Marie-Denise Douyon / Centre d'histoire de Montréal
Depuis samedi, une pétition circule pour demander qu'on renomme tous les lieux ayant eu un nom raciste. Malgré le fait que, dans certains cas, il existe des liens historiques avec la dénomination de certaines régions, nous pouvons tous accepter que l'utilisation du mot " nègre " était, est, et continuera d'être dérogatoire
, peut-on lire dans la pétition. Au moment d'écrire ces lignes, près de 10 000 personnes l'avaient signée.