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Le poids et la santé : ce que dit la science

Poids et santé.
Non, les personnes obèses ne mangent pas toutes du gâteau bien calées dans leur sofa. Non, ce n'est pas à la portée de tous d'être mince. Et, oui, c'est possible d'être gros et en santé. C'est la science qui le dit.

On a décidé de s'intéresser au lien entre le poids et la santé après la publication d'un reportage qui donnait la parole à des militantes grosses (Nouvelle fenêtre). Le sujet n'était pas l'état de santé des participantes, mais de nombreuses réactions portaient sur cette question.

On a donc demandé au spécialiste de l'obésité André Tchernof, qui est directeur de l'axe de recherche en obésité-métabolisme à l'Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, de répondre à plusieurs commentaires que nous avons reçus.

« Si tu es gros, c'est que ton mode de vie n'est pas sain. (C'est ta faute.) »

André Tchernof : C'est partiellement faux. Le poids corporel est déterminé en partie par la génétique et en partie par l'environnement. Donc oui, il y a un effet de nos habitudes de vie sur notre poids corporel. Les gens le vivent parfois; ils prennent un peu de poids à Noël, puis ils retrouvent leur routine, font un peu attention à ce qu'ils mangent et reviennent à leur poids habituel. Ce mécanisme de compensation fait défaut chez les personnes qui ont tendance à prendre du poids. Le poids corporel est une valeur régulée. Chaque personne a une valeur-consigne [c'est-à-dire un poids pour lequel ils sont en quelque sorte programmés]. Il y a des gens qui sont programmés pour être minces et il y en a qui sont programmés pour être obèses. Chez la vaste majorité des gens qui ont un surplus de poids ou une obésité, la perte de poids est possible à court terme, mais à long terme, le système va les ramener à ce poids-consigne. Ce n'est pas une question de volonté. On est face à un système de régulation très puissant qui agit à long terme sur les apports alimentaires, mais aussi sur les calories dépensées par l'organisme. Les personnes qui sont minces n'ont pas le monopole des saines habitudes de vie. C'est possible d'avoir un mode de vie équilibré indépendamment du poids affiché sur le pèse-personne.

« Si tu es gros, tu as ou tu vas avoir des problèmes de santé. »

A.T. : Ce n'est pas nécessairement vrai. C'est sûr que l'obésité augmente la probabilité de développer certaines maladies, mais il y a des indicateurs de santé qui sont de bien meilleurs prédicteurs de maladie que le poids sur la balance, notamment la capacité cardiorespiratoire. Les gens qui ont un indice de masse corporelle (IMC) élevé peuvent avoir une bonne santé cardiorespiratoire [c'est-à-dire être capable de courir rapidement ou de monter une pente en marche rapide pendant au moins 10-15 minutes] et ne pas du tout être à risque de maladies à long terme. Ça a été très bien démontré par des études. Aussi, les personnes qui sont obèses et qui ont une bonne condition cardiorespiratoire ne sont pas plus à risque de maladies cardiovasculaires à long terme que des personnes qui ont un poids corporel considéré comme normal, mais qui ont une capacité cardiorespiratoire faible. L'obésité abdominale - la graisse viscérale [qui est logée à l'intérieur des organes], la fameuse bedaine dure - est aussi un meilleur indicateur des risques de diabète et de maladies cardiovasculaires que l'IMC. Donc le tour de taille, même si ce n'est pas parfait [parce que ça mesure toutes les graisses], est un meilleur indicateur de santé. Si la personne fait du sport, le tour de taille va diminuer, souvent en l'absence d'une diminution du poids. La personne qui fait de l'exercice va dire « je n'ai pas perdu de poids donc mon exercice est un échec », mais non. Si le tour de taille a diminué et que la santé cardiovasculaire s'est améliorée, indépendamment du poids sur la balance, c'est une bonne nouvelle! Il faut utiliser les bons marqueurs pour qu'on arrête de discriminer les gens sur leur apparence physique.

« Si tu es gros, tu réduis ton espérance de vie. »

A.T. : Encore une fois, ça dépend de l'obésité abdominale [c'est-à-dire la graisse qui se loge dans les organes et non la graisse molle sous la peau]. Deux études très importantes ont montré que le risque de maladies cardiovasculaires et le risque de mortalité associé à l'obésité dépend de cette obésité abdominale. Aussi, on sait que si la capacité cardiorespiratoire est bonne, si la forme physique est bonne, le poids corporel n'a pas d'effets sur la mortalité. Si on n'a pas une bonne condition physique, là le poids commence à avoir un effet sur la mortalité.

« Tous les gros peuvent maigrir en mangeant mieux et en faisant du sport. »

A.T. : C'est faux. On peut tromper le système durant un certain temps, mais la physiologie va ramener la majorité d'entre eux vers leur poids-consigne. Il y a une superbe étude de poids américaine pour laquelle on a enrôlé des gens avec un surplus de poids ou une obésité qui avaient du diabète et on les a soumis à un programme de perte de poids vraiment très très bien fait. Après quatre ans, seulement 25 % des gens avec une obésité sévère avaient réussi à maintenir une perte de poids égale ou supérieure à 10 %. Donc 75 % n'ont pas réussi à maintenir une perte de poids significative. Si on regarde les personnes non obèses de l'étude, 15 % d'entre elles ont réussi à maintenir leur perte de poids. Le pourcentage d'échecs est plus haut chez les non-obèses que les obèses, donc n'allez pas dire que les personnes minces sont meilleures que les autres. On se comporte tous de la même façon, c'est juste la valeur-consigne qui n'est pas la même. Quand on impose une restriction au système, il va compenser. Il ne faut pas être fataliste non plus. De 15 % à 25 % ont réussi à tromper leur système.

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